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Si Entrange m’était conté…
par Guy VOUILLAUME
Dans les archives départementales, ENTRANGE apparaît pour la première fois en 1544 sous le nom d’ENTRENGA. Il ne s’agit alors que d’un lieu-dit constituant un écart de la paroisse d’OEUTRANGE.
Au fil des ans, ENTRANGE cherche à gagner son indépendance : il a tantôt le statut de faubourg d’OEUTRANGE, tantôt celui de village à part entière.
Une indépendance fruit de la Révolution
En 1789, la Révolution supprime les paroisses et les provinces. ENTRANGE profite de cette évolution et devient une commune de l’arrondissement de THIONVILLE, tandis que le chef-lieu de la paroisse reste fixé à OEUTRANGE – il l’est encore aujourd’hui.
La population, essentiellement agricole, compte alors entre 200 et 250 habitants.
Le territoire communal est restreint : 350 à 390 hectares selon les époques ; il est occupé principalement par des terres cultivables (60 %), des prairies (30 %), des bois, vergers et jardins. En 1800 existe encore à ENTRANGE une parcelle de vignoble de 4 ha.
Un mariage de raison signé par l’Empereur (1802-1811)
Sous le Premier Empire, la politique change : on regroupe les communes peu peuplées. Par décret signé de Napoléon, ENTRANGE est rattachée à OEUTRANGE le 29 octobre 1811. Evidemment, les Entrangeois, hostiles à cette fusion, adressent régulièrement des lettres de protestation au sous-préfet et réclament en vain leur indépendance.
Un divorce signé par le Kaiser
En 1871, l’ALSACE-LORRAINE est annexée par l’empire prussien. Les habitants d’ENTRANGE soumettent alors une nouvelle demande d’indépendance aux autorités allemandes. L’Empereur Guillaume II décrète la scission de la commune d’OEUTRANGE en deux communes distinctes (J.O. pour l’Alsace et la Lorraine du 26 février 1902) : ENTRANGE, qui se nomme alors ENTRINGEN, et OEUTRANGE.
La mine Charles-Ferdinand
L’ouverture de la mine Charles-Ferdinand constitue l’acte fondateur de la Cité. C’est une firme allemande, dirigée par Karl Ferdinand von STUMM, qui choisit d’exploiter le fer dans cette concession par un tunnel à flanc de coteau. La galerie, longue de de six kilomètres, est creusée en 1896. L’entrée de la mine est aujourd’hui visible depuis l’aire de jeux, rue du carreau ; le tunnel passe ensuite sous la chapelle Sainte-Jehanne, et part en direction de NONDKEIL. L’eau et le minerai étaient évacués grâce à une légère pente.
De 40 ouvriers au départ, les effectifs augmentent progressivement : 100 en 1900, 400 en 1905 et 900 en 1914. L’entreprise fait largement appel à de la main d’œuvre étrangère venue de régions minières : des Allemands, dans le cadre de la politique de germanisation de la LORRAINE, des Belges, des Italiens, des Polonais (pour la plupart originaires de SILESIE) et même des prisonniers de guerre russes, entre 1915 et 1918.
Pour loger ce personnel, la société minière crée une ”colonie” en pleine nature. Les premières maisons sont construites vers 1902 rue de la Sapinière (côté ENTRANGE) et rue de la Mine (côté KANFEN-SOUS-BOIS). L’implantation de ces habitations hors du village ne facilite pas l’intégration de ces étrangers ; mal vus des populations locales, ils suscitent crainte et réactions d’hostilité.
La création d’économats et de cantines, puis plus tard de l’école, de terrains de sport et de la chapelle Sainte-Jehanne, accentueront encore cette impression que les salariés de la mine vivent dans un ”monde à part”.
En 1918, les biens des Allemands sont confisqués et la mine est intégrée à la Société des Forges et Aciéries de LORRAINE et du Nord, qui deviendra plus tard la Société des Hauts Fourneaux Réunis de SAULNES et UCKANGE.
Toujours à la pointe du progrès en matière d’équipement, la mine Charles-Ferdinand, avec un effectif ramené à 400 personnes, bat son record de production en 1961 : 1 800 000 tonnes de “minette”.
Concurrencées par les usines sidérurgiques installées en bord de mer et alimentées par des minerais étrangers plus riches en fer, les mines lorraines perdent peu à peu en compétitivité. Les moins rentables ferment, les hauts fourneaux disparaissent du paysage.
A Charles-Ferdinand, les effectifs baissent : 340 employés en 1965, 182 en 1974, 108 en 1977. La mine est officiellement fermée le 31 juillet 1979.
La ligne Maginot et l’abri du Zeiterholz
Construit de 1930 à janvier 1934, l’ouvrage du Zeiterholz est un abri en béton armé prévu pour loger les troupes d’intervalle : il pouvait accueillir 96 hommes et 3 officiers. Cet ouvrage semi- enterré, dont la façade est protégée par un fossé diamant et deux portes blindées, était défendu par quatre créneaux de fusils mitrailleurs. Il est dominé par deux cloches de guetteurs qui permettaient de surveiller les abords. Les habitants d’ENTRANGE et des environs participèrent à sa construction et par la suite, la présence des troupes produisit une certaine animation dans le village. Aujourd’hui, l’association AMIFORT entretient le site et organise régulièrement des visites de l’ouvrage.